Papillomavirus : Pourquoi faut-il aussi vacciner les garçons ?
02/09/2023
La campagne de vaccination contre le papillomavirus débutera le 2 octobre dans les collèges, pour les filles mais aussi pour les garçons de 5e.
Longtemps réservé aux filles, le vaccin contre les papillomavirus humains (HPV) concerne désormais également les garçons. Une extension nécessaire à la fois pour les protéger de certains cancers et pour espérer in fine éliminer totalement ces maladies.
Une vaccination généralisée et gratuite des collégiens de 5e débutera à partir du 2 octobre dans certaines régions, comme l’a annoncé le ministre de la Santé Aurélien Rousseau à Brut. Elle sera précédée d’une campagne de communication sur la vaccination dès ce lundi 4 septembre.
En France, chaque année, les HPV, abréviation anglaise pour « human papillomavirus », sont responsables de plus de 30 000 lésions précancéreuses du col de l’utérus, de plus de 6 000 nouveaux cas de cancers dont celui du col de l’utérus – qui provoque plus de 1 100 décès par an -, de la vulve ou du vagin, mais aussi de la sphère ORL, de l’anus et du pénis.
Une étude récente publiée dans The Lancet a montré que, à un moment donné, 31% des hommes de plus de 15 ans sont infectés par un virus de type HPV. Plus important, un homme sur cinq (21%) est porteur d’un HPV oncogène, c’est-à-dire potentiellement cause d’un cancer.
Dans le pays, la vaccination anti-HPV est recommandée chez les filles de 11 à 14 ans depuis 2007, et chez les garçons du même âge depuis 2021. Pourtant, Hélène Péré, virologue à l’Hôpital européen Georges Pompidou à Paris, insiste : on ne peut pas éradiquer le HPV sans vacciner les garçons. Elle explique pourquoi au HuffPost.
- Pourquoi est-il important que les garçons se fassent également vacciner ?
Docteure Hélène Péré. Les jeunes garçons sont tout aussi concernés car les HPV peuvent entraîner des cancers du canal anal, de l’oropharynx, des amygdales… Et forcément, les garçons aussi ont un oropharynx et un canal anal, donc le vaccin les protège. Aussi, l’objectif avec un vaccin prophylactique et préventif comme celui-là, c’est d’éradiquer le virus comme on a éradiqué la variole. C’est un peu utopiste, mais si on veut atteindre cet objectif-là, il faut vacciner les filles comme les garçons. Car même si ces derniers peuvent ne pas développer de lésions prétumorales, de cancers ou de verrues génitales, ils restent des vecteurs potentiels et peuvent contaminer les femmes. On ne pourra pas en finir avec ce virus si on n’empêche pas les vecteurs potentiels de contaminer.
- Pourtant, jusqu’à récemment, on entendait peu parler de prévention autour du papillomavirus chez les hommes…
La France a, au départ, seulement ciblé les jeunes filles car 100 % des cancers du col de l’utérus sont liés à cette infection. Alors, croyant bien faire, les autorités se sont concentrées sur elles. Mais, il faut aussi noter que si seulement 9 % des garçons sont vaccinés contre les HPV à l’heure actuelle, c’est aussi parce que le vaccin leur est remboursé depuis janvier 2021 uniquement. Les Hautes autorités publiques les écartaient elles-mêmes de ce débat. En voyant l’efficacité de la vaccination non genrée dans les autres pays et avec la force de conviction de plusieurs experts, elles ont fini par étendre l’ouverture vaccinale aux garçons, ce qui est une très bonne chose.
- La France a-t-elle du retard quant à la vaccination contre le HPV ?
Oui. On est un pays dans lequel il y a un mouvement contestataire assez important contre les vaccins, on l’a vu pendant la crise du Covid. Les vaccins sont décriés en règle générale. Et pour celui contre les HPV, le fait que les filles aient été la cible principale n’a pas aidé.
- Pourquoi ?
Je pense que du côté des parents, il y avait une incompréhension car ils devaient faire porter le poids de la vaccination à leurs filles alors que les HPV sont sexuellement transmissibles chez les garçons aussi. Il y avait aussi cette idée que faire vacciner sa fille c’était la faire entrer dans la sexualité, alors que pas du tout ! On veut intervenir en amont de la sexualité, parce qu’on sait que l’exposition va se faire à ce moment-là. Les enfants doivent avoir des anticorps neutralisant pour empêcher l’infection par ce virus HPV au moment de l’exposition. En plus de ça, il y a eu des fausses informations concernant le déclenchement d’effets indésirables, notamment en termes de maladies auto-immunes. Certains médecins conseillaient même aux jeunes filles de ne pas faire ce vaccin contre le papillomavirus. Mais ça a été complètement démenti par des énormes études de l’OMS et de l’ANSM sur des énormes cohortes de patientes vaccinées, qui montraient qu’il n’y avait absolument pas d’augmentation d’incidence de ces maladies auto-immunes.
- Pensez-vous que les mesures annoncées par Emmanuel Macron, et qui démarreront le 2 octobre prochain, sont efficaces ?
Oui car un des leviers les plus importants est la vaccination dans le milieu scolaire. Parce qu’il y a une espèce d’émulation interindividuelle, et quand on est en groupe, on se sent plus fort et plus serein pour y aller. En Suède, c’est ce qu’ils font et plus de 80 % des jeunes sont vaccinés. On y observe désormais une chute incontestable du nombre de cancers du col de l’utérus. En fait, des cars arrivent et viennent vacciner tous les enfants de 5e, comme la mesure proposée par Emmanuel Macron. Et ça, c’est une des principales méthodes pour augmenter la couverture vaccinale. Le deuxième levier, selon moi, ce sont les ados eux-mêmes. Il faut les sensibiliser et leur expliquer les enjeux. C’est ce qu’on essaye de faire avec la Fondation ARC sur Twitter. Dans un format bande dessinée, on lève les tabous qui entourent le HPV et dont il n’est pas toujours facile de parler avec ses parents.
- Pourquoi la vaccination concerne seulement les jeunes de 11 à 14 ans ?
À cet âge, on considère qu’on est en amont de la vie sexuelle. Et pour être efficace avec un vaccin préventif, il faut être en amont de l’exposition afin d’avoir des anticorps neutralisant le virus. Pour celles et ceux qui ne se sont pas faits vacciner dans cette tranche d’âge, il existe un rattrapage de 3 doses de vaccins qui concerne les 14-19 ans. En France, la population homosexuelle masculine peut se faire vacciner jusqu’à 26 ans car cette population est particulièrement à risque de cancer du canal anal. On limite à cet âge-là car, entre la contamination par le virus et le développement potentiel d’un cancer, il y a environ 15-20 ans. C’est très long comme processus. Mais en 2019, une étude a été publiée dans The New England Journal of Medicine, qui montrait que même chez les jeunes femmes vaccinées entre 17 et 30 ans, on diminue de plus de 50 % l’incidence du cancer du col.
- Vacciner les moins de 30 ans pourrait donc être une prochaine étape ?
Exactement. C’est un des autres leviers potentiels. Parce que là, on est en train de mettre en place des choses pour augmenter la couverture vaccinale, mais toutes les toutes les jeunes filles qui ont 20 ans ne font plus partie de l’indication et se retrouvent sans vaccin. C’est dommage, surtout si le rattrapage fonctionne plus tard. Ça permettrait d’aller encore plus loin dans la prévention de ces lésions prétumorales.